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Une course perdue d’avance ou une promenade main dans la main?

Par Janine Karam
­“Ce n’est pas l’espèce la plus forte qui survit, ni la plus intelligente, mais celle qui réagit le mieux au changement” -Charles Darwin

Les leaders ont-ils besoin de craindre l’avènement de l’IA? Va-t-elle acquérir les compétences essentielles des bons leaders pour pouvoir un jour prendre leur place et les reléguer, ironiquement, au rang des serpuariens de nos organisations?

Forbes indique que 81% des milléniaux craignent que la technologie de l’IA les remplace entièrement ou partiellement.

Les productions de Hollywood et les livres de science-fiction ont participé à alimenter cette vague d’inquiétude. The Matrix, West World, Blade Runner, 2001 : L’Odyssée de l’espace d’Arthur C. Clarke et plein d’autres productions et livres ont présenté une vision dystopique du futur de l’humanité. Les capacités et compétences des leaders-héros dont on a suivi les périples dans ces œuvres semblent inatteignables et notre perception de l’IA en est tellement influencée qu’on est sous l’impression que c’est une compétition entre la machine et ce leader-héros où l’un finira par prendre la place de l’autre.

Qu’en est-il réellement?

La Harvard Business Review présente la polémique de cette manière : « La question de savoir si l’IA remplacera les travailleurs humains suppose que l’IA et les humains ont les mêmes qualités et les mêmes capacités – mais en réalité, ce n’est pas le cas. Les machines basées sur l’IA sont rapides, plus précises et toujours rationnelles, mais elles ne sont pas intuitives, émotionnelles ou sensibles à la culture. Ce sont précisément ces capacités que les humains possèdent et qui nous rendent efficaces »

Les organisations disposent d’outils numériques de plus en plus sophistiqués et qui étaient inimaginables il y a quelques années; clairement, l’IA est en train de détruire des emplois et d’en créer d’autres, comme ce fut le cas à travers des milliers d’années de l’Histoire de l’humanité, où presque tout progrès, craint à ses débuts, a fini par être apprivoisé et adapté à la vie réelle.

Toutefois, les rôles qu’occupent les leaders dans nos organisations sont des plus sophistiqués, et les organisations elles-mêmes sont des organismes vivants et complexes régis par des valeurs qui dépassent les simples objectifs financiers.

LEADER vs INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Intelligence relationnelle et intelligence émotionnelle

Avec l’analyse des micro-expressions du visage, de la posture, de ce qui est dit, des messages écrits, l’IA pourra bientôt détecter les signaux de démobilisation des employés, mais elle ne pourra pas maîtriser l’intelligence relationnelle (l’écoute active) et l’intelligence émotionnelle (l’empathie) pour répondre à ces signaux. Les leaders devront continuer à développer ce type d’intelligences, pour assurer une complémentarité avec l’IA. En effet, plus sophistiqués sont les outils, plus les soft skills requises d’un leader sont indispensables, parce que c’est à lui que revient la responsabilité de les implanter et d’optimiser leur utilisation au sein de l’équipe et surtout de gérer les réticences et les inquiétudes. L’IA ne possède pas de subjectivité, ne ressent pas les émotions, ne se met pas à la place de l’autre, et donc ne peut ressentir et utiliser de l’empathie (pas encore en tout cas). Or, un collaborateur qui reçoit une mauvaise nouvelle, ou qui vit une situation difficile, ou qui a des difficultés dans ses tâches, a besoin d’une empathie réelle de la part de son leader, pas simulée, et cette compétence prend une importance accrue dans une monde en transformation de plus en plus rapide et complexe.

Intelligence cognitive et flexibilité cognitive

L’intelligence cognitive étant désormais maitrisée par l’IA, le leader devra développer sa flexibilité cognitive (sa capacité d’adaptation), afin de savoir faire face à des situations en constante évolution. Il devra développer des compétences cognitives avancées, telles que la réflexion éthique, l’analyse des situations complexes, l’ouverture à la diversité, la gestion de la pensée créative et le développement de stratégies collaboratives. Si l’IA lui fournit des données et des analyses d’une façon rapide et optimale, il devra décider comment les manipuler. Quand l’IA l’informe avec un graphique que Fred est en retard sur sa cible de performance, c’est à lui d’en discuter avec Fred pour trouver la source du problème et d’y remédier. Si l’IA lui signale une diminution de mobilisation dans l’équipe, c’est à lui de connaître les motivations profondes et les modes de fonctionnement des membres et concevoir avec eux des stratégies d’amélioration et de résolution. Il doit aussi développer la capacité de garder un regard critique sur les données fournies par l’IA.

Conseils aux leaders

Formez vous
Vous devez apprivoiser la bête avant de la déployer pour utilisation dans votre équipe. Comprenez comment l’IA fonctionne et touche votre entreprise, en quoi elle peut avoir une valeur ajoutée à vos opérations, et ce en vous informant à propos du sujet dans votre secteur d’activité et en demandant des conseils et des astuces auprès d’experts.

Soyez empathiques ET transparents
Qu’un employé conteste l’adoption de l’IA est problématique, c’est vrai; c’est le même employé qui a refusé d’utiliser l’internet il y a 25 ans. Toutefois, la réticence est compréhensible et doit être reconnue, et en discuter est le premier pas vers l’acceptation. L’employé souhaite être rassuré, et apprécie également l’honnêteté.

Communiquez clairement: En détail et avec des exemples à l’appui, expliquez aux employés concernés la redistribution des tâches entre eux et l’IA et comment cela va affecter leur travail au quotidien, en mettant l’emphase sur les avantages qui vont leur permettre de gagner en efficacité, de se libérer de tâches répétitives et chronophages pour s’occuper de projets plus stimulants intellectuellement et qu’ils disent ne jamais avoir le temps de tacler.

Faites participer vos collaborateurs au processus décisionnel: À l’implantation de l’IA, demandez les avis et les préoccupations de vos collaborateurs. Un employé écouté se sentira valorisé et respecté et collaborera activement à la réussite du projet.

Priorisez la relation humaine avec vos collaborateurs: Il n’y a pas de retour en arrière, l’IA est là pour rester, ET l’humain est là pour la manipuler. Formez vos collaborateurs techniquement parce que de nouvelles compétences doivent être introduites, telles que l’éthique IA, la vigilance face aux cyberattaques, etc.) et n’oubliez pas l’aspect émotionnel; une formation sur la gestion du changement est des plus pertinentes dans ce contexte. Si votre employé réussit à adopter une attitude ouverte, il se sentira en contrôle de la situation et non le contraire. Il traitera l’IA en tant qu’un outil mis à sa disposition, et ne s’en sentira pas menacé.

Prenez soin de votre santé psychologique et physique : L’IA est une machine qui peut fonctionner 24/7 sans congé maladie, sans vacances, etc. Elle vous fournira de l’information continuellement. Pas vous.

Pour conclure, alors que ce n’est vraiment que le début

L’IA s’invite dans les organisations et les leaders apprennent à céder une partie de leur pouvoir à un algorithme et à lui « déléguer » ainsi certaines tâches qu’elle pourra faire plus efficacement.
Grâce à l’IA, les leaders se libéreront de tâches chronophages (planification et gestion des projets, suivi, application des normes et règlements, etc.). Ils verront leurs opérations enrichies et leurs décisions plus judicieuses parce qu’ils seront assistés par un outil intelligent et performant (optimisation des courriels, des données et des ressources, prise de rendez-vous, personnalisation des présentations, etc.) et ils pourront mettre l’emphase sur des activités plus humaines avec leurs collaborateurs et sur le développement de stratégies créatives et innovantes.

Une des multitudes questions qui se posent désormais est la suivante : Si la décision stratégique que prendra un jour le leader, basée sur l’analyse des données (provenant de l’IA ou non), son intuition, son expérience, son expertise, mais aussi sujette aux biais cognitifs, contredise celle prise par l’IA, quelle autorité va prôner?
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