Toxicité en leadership, et si j’en faisais partie sans le savoir?

Par Jorj Helou, CRHA, PCC

 

On parle souvent des « leaders toxiques » comme s’ils étaient des monstres identifiables à l’œil nu.

Mais si, sans le vouloir, je faisais moi-même partie du problème? Et si mes comportements, même bien intentionnés, créaient de la tension, de la peur ou de la démotivation autour de moi?

Reconnaître sa propre toxicité n’est ni évident, ni agréable. Dans bien des cas, la toxicité est insidieuse…et inconsciente. Et pour ne pas trop culpabiliser, on se rassure et on se trouve des excuses bidon.

Alors comment je peux, aujourd’hui, prendre conscience de ma toxicité (possible)? Et surtout, comment y remédier?

 


Comment détecter ma propre toxicité?


1- Analyser les anomalies

Je peux commencer par me poser ce genre de questions:

  • Pourquoi les gens semblent tendus autour de moi?
  • Pourquoi y a-t-il autant de départs dans mon équipe?
  • Est-ce que mes collaborateurs me disent vraiment ce qu’ils pensent?

 

Sans introspection honnête, il est presque impossible de comprendre ce qui alimente un climat toxique. Le changement commence par une remise en question sincère.


2- Être réceptif à la rétroaction

Le feedback est un miroir. Mais pour qu’il reflète une image fidèle:

  • Je dois créer une culture où le feedback sincère est possible (évaluations 360°, discussions ouvertes, etc.).
  • Je dois apprendre à écouter, sans me défendre, ni me justifier (ce qui n’est pas facile quand l’ego est piqué).

 

Si j’entends régulièrement des mots comme « manque d’écoute », « climat anxiogène » ou « peu de reconnaissance », il est temps de m’interroger sérieusement.


3- Évaluer le niveau d’engagement

Même sans feedback formel, certains signes de désengagement ne trompent pas:

  • Mes collaborateurs ne prennent plus d’initiatives.
  • Les talents quittent.
  • Les membres évitent le contact direct avec moi.
  • L’énergie et l’enthousiasme général baissent visiblement.

 

Si je suis attentif, je peux ressentir qu’un malaise s’installe — à moi d’aller creuser plutôt que de chercher qui blâmer.


4-Subir une situation catastrophe

Malheureusement, il faut parfois un choc pour remettre les pendules à l’heure.

  • Une plainte officielle contre mes comportements.
  • Un burn-out dans l’équipe.
  • Un projet qui échoue à cause d’un laisser-faire.
  • Ou même, une crise existentialiste personnelle.

 

J’aimerais éviter d’en arriver là, mais un électrochoc peut ouvrir les yeux sur l’impact réel de mes comportements et permet d’avoir une perspective différente.


5- Être dans une culture qui valorise la vulnérabilité

Dans une organisation où l’authenticité est valorisée, où montrer ses failles n’est pas vu comme une faiblesse, il est « plus » facile pour un leader de se reconnaître toxique et travailler dessus.

 



Une fois conscient de ma toxicité potentielle, quoi faire?


1. Accepter que je sois la cause

Le réflexe humain est souvent de se défendre: « Oui mais c’est parce que… », « Je n’avais pas le choix… ».

Mais le vrai changement commence quand j’accepte, sans détour: « Oui, j’ai eu des comportements toxiques, même si ce n’était pas intentionnel. »

 

Cette lucidité est indispensable pour tout changement durable. Allons à l’étape 2.


2. Comprendre mes mécanismes internes

Je cherche à clarifier les intentions derrière mes gestes:

  • « Pourquoi ai-je besoin de tout contrôler? »
  • « Pourquoi ai-je du mal à faire confiance à mon équipe? »
  • « Qu’est-ce que j’essaie d’éviter (échec, perte de pouvoir, etc.)? »
  • « Qu’est-ce qui me frustre autant? »

Souvent, mes réflexes toxiques viennent de blessures non réglées. Ce travail en profondeur nécessite parfois un coach, un mentor ou une thérapie.

 

Je prends ainsi conscience de mes peurs, mes blessures ou de mes croyances limitantes qui alimentent mes comportements toxiques.


3. S’ouvrir à des conversations franches

Pas une fois par an, pas de phrases creuses, mais de vraies discussions régulières sur ma posture et mes pratiques de leader:

  • « Qu’est-ce qui a bien fonctionné cette semaine? »
  • « Qu’est-ce que je peux améliorer dans ma manière de vous soutenir? »

 

Et surtout j’écoute, vraiment, non pas pour répondre, mais pour comprendre.


4. Mettre en place des micro-changements observables

Changer une dynamique toxique ne passe pas par des grandes déclarations (« je vais changer, promis! »), mais par des gestes concrets:

  • Remercier publiquement un collaborateur.
  • Laisser un espace de parole à l’autre sans l’interrompre.
  • Reconnaître une erreur devant l’équipe.
  • Prendre le temps d’écouter sans juger.

 

Un geste à la fois, ces micro-changements rétablissent la confiance.


5. Développer son intelligence émotionnelle

Pour éviter de demeurer dans la toxicité, je renforce progressivement:

  • Mon empathie (me connecter à ce que vit l’autre).
  • Ma gestion émotionnelle (réagir avec calme malgré des émotions intenses).
  • Ma capacité à lire les non-dits (repérer tensions, malaises, malaises).

 

Ces compétences se développent par la pratique, les retours d’expérience, et parfois des formations ciblées.


6. Échouer et recommencer

Je ne deviendrai jamais « parfait ». Et surtout pas soudainement. Je vais retomber parfois dans mes anciens réflexes. Mais désormais, je suis plus conscient, j’ai appris à m’excuser et je progresse.

 

La clé est dans la conscience et la constance, pas dans la recherche de perfection.


Le chemin du courage


Sortir de sa toxicité est un acte courageux, il n’existe ni solution miracle, ni raccourci. Cela demande de l'humilité, de la persévérance et une vraie volonté de changer, et pas simplement pour sauver son image.

Et maintenant?


Si tu as lu jusqu’ici, c’est que ce sujet te parle. Peut-être parce que tu crains d’avoir, toi aussi, parfois, certains comportements toxiques. Peut-être aussi parce que tu en observes chez quelqu’un de ton entourage. Peu importe ton point de départ.

Le premier pas vers la conscience est simple:

Demande aujourd’hui à une personne de confiance : « Comment est-ce que tu me perçois comme leader? »

Ce sera peut-être inconfortable. Ça pourrait ouvrir une petite…ou une grande boite de Pandore. Mais c’est souvent là que commence le vrai chemin pour devenir un leader responsable de l’impact que tu as, et choisir de faire mieux, un geste à la fois.

 

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